Des anthropologues et archéologues ont retrouvé, dans des grottes vieilles de millions d’années, des vestiges de garages. Bon, pas de beaux garages chauffés comme on les connaît. Mais quand même, des petits racoins de grottes dans lesquels étaient empilés des outils brisés ou inachevés, des petits bouts d’os qui s’apparentaient à des clous, de grosses roches empilées, des bols en pierre avec des molécules d’une boisson fermentée sur les bords…

Dans ces petits racoins, aucune trace du passage de femmes ou d’enfants.

Le garage fait partie du cerveau reptilien de l’homme. En chaque homme, le mien comme le vôtre, se cache un petit racoin plein de vis et de clous, de bouteilles de bière vide, de travaux inachevés.

J’haïs les garages.

C’est un espace où s’accumule périodiquement et de façon permanente, un paquet de bébelles. Il en résulte un fouillis pas possible qui en vient à atteindre le plafond. Je n’y vais jamais. J’imagine que c’est d’ailleurs la raison pour laquelle s’accumule, sans raison, un pécule inutile. Et moins j’y vais, moins je suis capable d’y entrer…une espèce de roue sans fin!

Quand j’ose aviser l’homme qu’il serait peut-être temps d’un petit ménage dans le garage, il me répond qu’il y pensait justement, qu’il faudrait bien que ça se fasse. C’est là ensuite que je le retrouve, assis sur un petit banc, à classer des petits bouts de quelque chose dans une immensité de grosses patentes. Une-deux-trois heures à zigonner sans résultats visibles.

- Il faut bien commencer par la base, qu’il me dit.

Puis au printemps, on cherche le boyau d’arrosage, les chaises de parterre et tout ça est, bien sûr, tout au fond de la pile. C’est là qu’on entend l’homme faire son cri de guerre au garage :

- Ça pas de bon sens, va falloir faire une vente de garage!

J’haïs les ventes de garage.

…

Imaginez ma surprise quand, un samedi matin de début d’hiver, j’ai trouvé mon chum en plein remue-ménage dans le garage. Pas un petit zigonnage de classement de vis là, un vrai ménage : la construction d’une étagère ici, la pose de crochets par là, une corde et une échelle montant au grenier. Un vrai de vrai ménage. J’étais sûrement en train de rêver! Pas de vente de garage cette année?

- Qu’est-ce qui se passe MonA, es-tu préoccupé? C’est quoi tout ce ménage?

(Yeeess! Enfin….!)

- Mon auto arrive la semaine prochaine.

(Pour ceuz qui l’ignorent, le culte de l’auto est une maladie qu’a mon chum, en fait, je le soupçonne d’être le guru de la secte! Pour la première fois de notre vie commune j’ai lâché prise sur l’achat de la voiture, et par conséquent lui s’est lâché lousse en TA sur ladite voiture…)

- Et ça fait quoi que ta nouvelle auto arrive la semaine prochaine?

- Ben il faut que le garage soit clean pour que je puisse la rentrer dedans!

- ???

- Je vais quand même pas la laisser dehors!

- ??? Euh…OK. Mais depuis quand un garage ça sert à mettre des voitures dedans? On va faire quoi avec tous les cossins?

- Ben c’est ça que je fais là, je les range!

En moins de deux jours, le garage s’est, comme par magie, complètement vidé. Et sans s’accumuler ailleurs dans la maison. La nouvelle voiture est arrivée et dort chaque soir dedans, empêchant pour l’instant, le cumul de nouveaux gugus qui trainent. On lui a même trouvé une nouvelle fonction : les enfants entrent par là quand ils jouent dehors sans mouiller le plancher du salon.

J’en reviens pas, j’ai même pus le loisir de chialer! Un genre de bonheur familial que je croyais jadis inaccessible!

La morale de l’histoire?

Le garage c’est l’antre de l’homme, son territoire, ses derniers retranchements. L’espace lui appartient. Son cerveau reptilien doit l’habiter tout entier. S’il n’est pas habité par l’ultime nécessité, une voiture brillante à chouchoutter, il trouvera le moyen de le remplir d’une autre façon, de toute façon!

Un garage vide c’est l’expression d’une vie d’homme sans but. Laisser l’homme succomber au culte de l’auto et tous vos problèmes de garage seront réglés.

Restez en dehors de cette histoire, c’est une relation que nous ne comprendrons jamais…

…Et puis comme le chialage, lui, fait partie du cerveau reptilien de la femme, je trouverai bien un autre sujet à critiquer!